Le Casseur d’os – volume 10

Couverture du Casseur d'Os volume 10

Notes d’Ornithologie Pyrénéenne n° XV. Novembre 2008 à octobre 2009

J.L. Grangé, S. Duchateau, F. Ballereau, S. Pérès, P. Urbina-Tobias

Les XVèmes N.O.P. sont caractérisées par un nombre de données reçues et analysées de près de 30 000, la plupart dépassant la simple notation de présence et apportant des éléments supplémentaires sur le cycle de vie des espèces concernées.

Un bouleversement des habitudes s’annonce dans la classification des passereaux concernant la séquence à suivre (Ibis, 152 ; voir Bibliographie passionnelle, dans ce volume) : ces recommandations seront appliquées prochainement dans les NOP (voir en annexe la nouvelle séquence des familles Paléarctiques).

Quatre espèces nouvelles pour le bassin de l’Adour ont été observées durant la période considérée : le Canard à front blanc Anas americana à Saint-Martin-de-Seignanx, la Grue du Canada Grus canadensis à Pontonx-sur-l’Adour, la Sterne élégante Sterna elegans à Hendaye et l’Hypolaïs ictérine Hyppolaïs icterina à Villefranque.

Plusieurs autres d’occurrence très rare ont également été notées : Cygne chanteur Cygnus cygnus (4e donnée depuis 1965), Outarde barbue Otis tarda (5e donnée depuis 1960), Bécasseau tacheté Calidris melanotos (7e donnée), Guifette leucoptère Chlidonias leucopterus (4e donnée), Monticole bleu Monticola solitarius (2e donnée de mâle chanteur en territoire français), Alouette haussecol Eremophila alpestris (2e donnée récente), Pipit de Richard Anthus richardi (6e donnée récente), Rousserolle verderolle Acrocephalus palustris (2e donnée), Fauvette passerinette Sylvia cantillans (7e et 8e données), Cassenoix moucheté Nucifraga caryocactes (1ère donnée circonstanciée depuis 1877 !).

Les forts vents tempêtueux de janvier 2009 ont apporté un afflux sans précédent de Goélands à ailes blanches Larus glaucoïdes et Goélands bourgmestres Larus hyperboreus sur la côte atlantique, ainsi qu’une « invasion terrestre » de Mouettes tridactyles Rissa tridactyla de plusieurs centaines d’individus. Les autres faits marquants concernent le cantonnement de plusieurs Gobemouches noirs Ficedula hypoleuca chanteurs en vallée des Aldudes (reproduction très probable), les premières reproductions pour le bassin de l’Adour du Cormoran huppé Phalacrocorax aristotelis à Hendaye, de la Grande Aigrette Casmerodius albus à Saint-Martin-de-Seignanx et du Tadorne de Belon Tadorna tadorna dans les barthes de l’Adour.

Toutes les espèces ayant fait l’objet d’une observation dans un précédent numéro des NOP sont reprises systématiquement, même si aucune mention les concernant n’est disponible pour la période considérée : ceci permet d’établir une liste exhaustive des espèces observées depuis octobre 1994 sur le territoire concerné.

Les données concernant les marais d’Orx, qui s’étendent également sur les communes de Labenne et Saint-André-de-Seignanx, sont regroupées sous l’appellation « Orx ». Le lac collinaire de Lourenties-Luquet, à cheval sur les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, est dénommé « lac du Gabas » ; le lac collinaire situé sur les communes de Momas et Mazerolles (Pyrénées-Atlantiques) est dénommé « lac de l’Ayguelongue », du nom des cours d’eau alimentant ces réservoirs.

Il nous est très agréable de remercier tous les contributeurs sans qui ce type de synthèse ne serait pas réalisable, certains nous étant fidèles depuis le début, d’autres nous ayant rejoint en cette année 2009. Nous comptons sur la continuation de votre aide par l’envoi régulier de vos données d’observation ainsi que sur vos remarques sur cette synthèse 2008-09 (erreurs relevées, pistes d’amélioration, compléments à apporter, etc.).

Bilan du baguage des passereaux migrateurs sur les barthes de la Nive (Pyrénées-Atlantiques) en 2009

P. Fontanilles

Le deuxième camp de baguage estival sur les barthes de la Nive a confirmé le potentiel d’accueil de passereaux paludicoles transsahariens et la présence d’une halte migratoire du Phragmite aquatique Acrocephalus paludicola, la plus importante d’Aquitaine et du pays basque franco-espagnol. Plusieurs roselières ont été testées sur les barthes de la Nive et seule celle de Villefranque accueille cette espèce. Il est urgent de la conserver vis-à-vis de la menace d’invasion par l’Erable negundo.

Caractérisation des sites de nidification du Pic noir Dryocopus martius dans les Pyrénées occidentales

J.L. Grangé, J.C. Auria, S. Duvallet

Le Pic noir Dryocopus martius est un chaînon important des biocénoses forestières dans les Pyrénées ; à ce titre, la connaissance de ses paramètres de choix de cavité de nidification est primordial pour mieux connaître ses exigences d’habitat : à partir d’un échantillon de 228 arbres à cavités (pour 555 loges) collectés dans les Pyrénées occidentales, nous avons relevé les principaux paramètres tant de milieu (typologie des peuplements) que de l’arbre lui-même (essence, hauteur, diamètre, etc…) et de la cavité (hauteur, exposition, diamètre).

Les peuplements hébergeant les nids de Pic noir, en vallée dOssau, sont des hêtraies ou hêtraies-sapinières, situées entre 900 et 1500 m d’altitude, à structure irrégulière, de hauteur moyenne entre 26 et 29 m, de surface terrière comprise entre 15 et 20 m2/ha, avec un volume sur pied compris entre 200 et 280 m3/ha, de couvert allant de 60% à 80%, recélant de 2 à 4 arbres morts sur pied à l’hectare et de 1 à 3 arbres morts au sol par hectare. Le Pic noir se reproduit à une altitude moyenne de 1256 m, creuse sa cavité dans le hêtre quasi-exclusivement de diamètre moyen de 61,4 cm, à une hauteur moyenne de 10,53 m, en dessous de la première branche. Le nombre moyen de cavités par arbre de nid s’établit à 2,45 avec un diamètre à hauteur de cavité de 51,1 cm.

Ces divers paramètres sont comparés à ceux d’autres populations européennes, nous permettant de préciser les spécificités des oiseaux pyrénéens (arbres sains très majoritaires, nombre de cavités par arbre de nid) ainsi que les nombreuses ressemblances, tout en essayant d’expliquer le pourquoi de ces constatations à partir d’hypothèses de la littérature existante.

Répartition du Grimpereau des bois Certhia familiaris et du Grimpereau des jardins C. brachydactyla dans les Pyrénées occidentales

M. Clouet, J. Joachim

Le but de ce travail est de préciser quels sont les facteurs qui affectent la répartition des deux espèces de grimpereaux Certhia familiaris et C. brachydactyla à l’échelle régionale et de discuter les mécanismes qui déterminent cette distribution.

L’échantillonnage, réalisé à l’aide de la repasse du chant enregistré au cours des printemps 2004 à 2009, a permis de recueillir 190 relevés de présence d’une ou des deux espèces dans la partie occidentale (montagnes basques) des Pyrénées.

La distribution du Grimpereau des bois coïncide avec l’étendue forestière plus ou moins continue de l’espace montagnard. Il est absent des secteurs les plus septentrionaux des montagnes basques. L’altitude moyenne des relevés où il est présent est de 1062m (470m-1460m ; n=130). La distribution du Grimpereau des jardins couvre l’ensemble de l’aire géographique étudiée à l’exception des stations montagnardes les plus élevées du versant nord et de la partie occidentale du versant sud. L’altitude moyenne des relevés où il est présent est de 849m (385m -1410m ; n=114).

La comparaison des fréquences d’occurrence relative de chaque espèce par tranche altitudinale de 200m dans la zone de sympatrie, entre 700 et 1500m, (n=137), montre leur inversion régulière le long du gradient altitudinal avec une très forte corrélation négative attestant du remplacement progressif du Grimpereau des jardins par le Grimpereau des bois qui devient largement prédominant ou exclusif à haute altitude.

Une analyse en composantes principales met en évidence une forte opposition entre les deux espèces : le Grimpereau des bois est associé au versant nord, aux hautes altitudes et au sapin; le Grimpereau des jardins est associé au versant sud, aux basses altitudes et au Pin sylvestre.

Cette distribution est principalement liée aux nuances du climat qui apparaissent au sein de l’influence océanique d’ensemble sur les Pyrénées occidentales, qui interviennent sur la répartition des essences forestières et qui contribuent à la forte opposition de versants. Si le mécanisme de sélection de l’habitat paraît prépondérant dans l’explication de la répartition du Grimpereau des bois, l’éloignement de la source de peuplement et le phénomène d’exclusion compétitive pourraient être associés.

Statut de l’Outarde barbue Otis tarda dans le grand Sud-ouest de la France

J.L. Grangé

La découverte de 3 Outardes barbues Otis tarda en limite du Béarn et du Pays Basque de mi-juin à début août 2009 est l’occasion de passer en revue le statut ancien et récent de cette espèce en France (seulement 7 données pour 12 individus de 1980 à 2007) et dans le grand Sud-ouest (5 données de 1960 à 2009). L’origine de ces oiseaux est très certainement ibérique, l’espèce ayant dans ce pays un comportement migratoire important avec des déplacements orientés nord, nord-est à partir de la mi-mai.

Première mention d’une Hypolaïs ictérine Hippolais icterina dans les Pyrénées Atlantiques

Philippe Fontanilles

Le 25 août 2009, une Hypolaïs ictérine Hippolais icterina a été capturée et baguée dans une roselière du pays basque (Bayonne, 64). Il s’agit d’une première donnée documentée pour les Pyrénées-Atlantiques et le bassin de l’Adour. Cette espèce niche en Europe continentale, migre par les voies centrales et hiverne en Afrique sub-saharienne. Notre observation est décrite puis discutée au regard de l’occurrence de l’espèce dans le sud-ouest de l’Europe où elle peut être considérée rare sur la façade atlantique.

Première mention d’une Rousserolle isabelle Acrocephalus agricola dans le bassin de l’Adour

Philippe Fontanilles

Le 21 octobre 2008, une Rousserolle isabelle Acrocephalus agricola a été capturée et baguée dans une roselière du Pays basque (Villefranque, Pyrénées-Atlantiques). Il s’agit de la première donnée pour le bassin de l’Adour. Cette espèce niche en Asie centrale et en Europe de l’est sur les bords nord de la mer noire et hiverne en Inde. Notre observation est décrite puis discutée au regard des rares mentions de cette espèce en Europe occidentale.

Observation d’une fauvette passerinette Sylvia cantillans dans les Hautes-Pyrénées ; Mise au point sur son statut dans le bassin de l’Adour

P. Milcent, J.L. Grangé

A la suite de l’observation d’une Fauvette passerinette Sylvia cantillans sur le massif du Pibeste en avril 2009, nous nous efforçons de faire le point sur le statut de cette espèce méditerranéenne dont la nidification est inconnue pour le moment dans le bassin de l’Adour mais dont certains milieux spécifiques pourraient lui être favorables. Une prospection ciblée pourrait dans ce cas-là réserver quelques surprises pour les petits passereaux discrets, les sylviidés méditerranéens notamment.

Essai d’une histoire de l’ornithologie dans le bassin de l’Adour et les Pyrénées occidentales

S. Duchateau

Les Pyrénées occidentales et les Pays de l’Adour représentent une terre d’élection pour les naturalistes passionnés d’oiseaux. Depuis la Préhistoire l’Homme pyrénéen s’est intéressé aux oiseaux, avant tout au travers de la chasse et de l’art. Les premiers témoignages nous sont fournis par les peintures rupestres ornant certaines grottes. L’Antiquité et le Moyen-Âge n’ont semble-t-il laissé aucune trace écrite sur l’avifaune des pays de l’Adour. Quelques textes d’archives montrent l’ancienneté des techniques de chasse à la palombe et aux petits oiseaux dans les Pyrénées occidentales, pour lesquels toute une panoplie de filets, lacets et autres pièges fut perfectionnée au fil des temps. Mais comme ailleurs en France et en Europe, il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour voir l’émergence de l’ornithologie dans notre région.

Au cours du XIXe siècle, le souci de la plupart des naturalistes fut d’inventorier les différentes espèces observées dans la région, en constituant des catalogues et des collections d’oiseaux naturalisés. Les visites de plusieurs « experts » anglais et la parution de l’ouvrage d’Henry Miégemarque (1902) font notablement avancer les connaissances sur beaucoup d’espèces de montagne. Peu d’ornithologues locaux sont actifs dans la première moitié du XXe siècle, période marquée par la description de plusieurs sous-espèces propres aux Pyrénées (travaux de Jouard, Mayaud et de visiteurs anglais) et le développement des connaissances sur les oiseaux du Golfe de Gascogne (observations de Paul Arné).

C’est à partir des années 1950 que se développe, comme ailleurs, une approche moderne de l’ornithologie grâce à l’amélioration des ouvrages de détermination et des instruments optiques et à la popularisation de cette activité. Toute une génération de jeunes naturalistes vit ainsi une époque heureuse dans les vallées béarnaises, y redécouvrant les grands rapaces « mythiques » que sont les aigles, vautours et Gypaètes barbus. Enfin les années 1980 et suivantes voient la création de diverses associations locales ou régionales publiant pour certaines des revues exclusivement consacrées aux oiseaux ; la parution d’atlas de répartition des oiseaux nicheurs en Aquitaine et Midi-Pyrénées concrétise cette nouvelle dynamique. Des ornithologues professionnels travaillant au sein des universités ou organismes publics de recherche sur la faune sauvage font également leur apparition.

A propos d’une aide au nourrissage interspécifique chez la Sittelle torchepot Sitta europea

J.L. Grangé, D. Magnin, J.L. Potiron

Une observation d’aide au nourrissage interspécifique de la part d’une Sittelle torchepot Sitta europea au profit d’un jeune Pic épeiche Dendrocopos major encore au nid est rapportée avec les tentatives d’explications afférentes. Cette relation est l’occasion de faire le point sur ce thème quelque peu délaissé par la littérature ornithologique actuelle malgré ses implications évolutionnistes en parallèle avec l’aide intraspécifique (investissement parental, sélection de parentèle): ce panorama est basé sur une recension bibliographique concernant l’avifaune européenne.

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